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Hypnose et la grossesse

Maëva (2011) nous rappelle que la grossesse est un parcours initiatique pour une femme. « Il ne suffit pas d’être enceinte pour attendre un enfant. »

Elle précise que la grossesse représente une période de bouleversement identitaire chez la femme enceinte. Avoir un autre en soi et être soi et autrui en même temps, psychiquement, ce n’est pas rien. En principe l’autre est toujours extérieur à soi. Dans le cadre de la grossesse, ce n’est pas le cas. Bayle (2005) ajoute que « La conception impose à la femme la présence de l’être humain conçu à l’intérieur de son appareil génital ; la femme doit établir progressivement avec l’être en gestation une forme inhabituelle de relation, où autrui, inconnu et non connaissable, se trouve enserré à l’intérieur de soi ».

Heureusement que pour la plupart des femmes, cette étape majeure de sa vie se déroule très bien. Le cheminement psychique, psychologique et physique se déroule dans un état de plénitude. En revanche, il arrive parfois qu’il en soit tout autrement pour certaines femmes. Afin de bien illustrer ce déséquilibre que ces femmes peuvent vivre pendant la grossesse, Darcy (2001) rapporte les témoignages suivants : « Quand je me regarde dans la glace, je vois un bébé, j’ai peur d’en devenir folle. », « […] je ne sais plus qui je suis, pire si je suis. »

Ainsi, nous comprenons que la gestation physique se double d’une gestation psychique et psychologique. La future mère va devoir se construire une image différenciée en puisant dans ce qu’elle connaît dans ses rapports à sa propre mère. Un exercice qui peut représenter son lot de défis pour certaines d’entre elles.  

De plus, Ammaniti (1999) nous rappelle que la grossesse est un moment évolutif et fondamental du développement de l’identité féminine, car elle représente un espace de vérification pour la femme et lui donne la possibilité d’élaborer le processus de séparation-individuation, surtout par rapport à sa propre mère. La grossesse est un élément qui ne déstabilise pas que la dimension psychique de la future mère. Il y a en effet des transformations évidentes, et de plus en plus évidentes, de son corps qui viennent aussi déstabiliser l’ensemble de l’aspect physique et psychologique de la future maman. Elle peut être alors perturbée par ce nouveau statut et par les changements évidents de son corps.

Pour la plupart des femmes la grossesse est vécue comme un accomplissement complet de leur féminité. Cependant, pour d’autres, la grossesse les renvoie à leurs propres problématiques. Si une femme avait un rapport difficile, ou ambivalent, à son corps avant la grossesse, il devient plus probable qu’elle puisse vivre des difficultés émotionnelles dans la mesure où les transformations physiques qu’elle subit, et sur lesquelles elle n’a aucun pouvoir, vont la renvoyer à son propre corps, à l’image de son corps, d’avant la grossesse. Certaines femmes peuvent ainsi vivre une angoisse de déformation, car le corps se transforme.

Alors, comme hypnothérapeute, nous devons explorer cette avenue avec la femme si elle affiche des signes précurseurs de cet état, par exemple si elle ne veut pas que l’on remarque son ventre.

La grossesse entraîne inévitablement une perte de contrôle de son propre corps, car les changements qui s’opèrent durant celle-ci sont, pour la plupart, indépendants de la volonté de la femme enceinte. Elle peut être déstabilisante pour les femmes ayant l’habitude d’exercer un certain façonnement continu de leur corps. Là, le façonnement est guidé par la grossesse. Par exemple, cette perte de contrôle sur la prise de poids peut aller jusqu’à un sentiment de désespoir face à la vision de ce corps qu’elle ne reconnaît plus.

Puis, il peut être difficile pour une femme de voir son corps « abimé » par des vergetures et/ou une hyperpigmentation de certaines zones de son corps. Et si la femme enceinte a vécu des évènements traumatiques dans son passé, probablement avec des charges émotionnelles « enterrées vivantes » dans son psychisme, il se peut fort bien que ces séquelles traumatiques émergent soudainement dans sa conscience. Comme le remarque Monique Bydlowski (2001), tout élément traumatique pour la femme qui était ancré dans son inconscient peut ressurgir dans son esprit durant la grossesse : elle appelle ce phénomène « la transparence psychique ».

Chez quelques femmes, le mécanisme protecteur du refoulement est mis en échec. Dès lors, ces femmes peuvent vivre leur grossesse comme un risque de morcellement. Darchis (2001) précise que d’autres attendront leur délivrance sur le mode du risque de la naissance de l’enfant/décès de la mère. Dans ce cas le discours intérieur peut prendre la forme de : « Quand il y a la vie, il y a la mort. » ; « Il ne sortira jamais. C’est sûr, nous allons en mourir. »

Bydlowski (2001) nous souligne qu’être enceinte renvoie aussi la femme au bébé qu’elle a été : « Devenu une femme enceinte, le bébé d’autrefois éprouvera de nouveau la difficile contiguïté d’une image intérieure non rassurante. L’enfant à venir, représentant de l’objet interne, risquera, alors, d’être perçu avec effroi. La vie onirique est souvent stimulée par la gestation et les rêves nocturnes peuvent traduire en termes simples ce retour d’angoisses passées. » Le bébé que fut une femme qui porte un enfant à naître se souvient dans son corps des émotions anciennes et ces émotions envahissent le psychisme de la future mère. L’auteur précise que, dans la plupart des cas, la mère a été un bébé sans grandes souffrances : « La maternité est un corps familial, fantasmé comme une retrouvaille du groupe familial, du pays merveilleux de l’enfance. La future mère se souvient de l’enfant qu’elle a été et de celui qu’elle aurait voulu être. Elle a le désir d’être à la fois le bébé de ses parents et le bébé attendu. Ce voyage est une deuxième enfance pour elle. » Pour plusieurs femmes, la  grossesse pourra être un conte de fées alors que pour d’autres, elle sera un long et pénible parcours.

Pour finir, au moment de l’accouchement, la mère porte dans ses bras non seulement l’enfant de la réalité, mais aussi l’enfant de ses représentations.

À titre d’hypnothérapeute œuvrant auprès des femmes enceintes, nous devons être à même d’accompagner ces femmes et de pouvoir les référer vers des ressources plus spécialisées dans les cas qui déborde notre cadre d’intervention.

Sylvain Lefebvre B.A., B.Sc., M.A P.
Maître hypnologue
en collaboration avec Daniel Wurm

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Ammaniti, Massimo (1999), Maternité et grossesse, Puf, Monographies De La Psychiatrie De L’enfant, 24 juin 1999.

Bayle, Benoit (2005), Autour de la grossesse et de la naissance, http://benoit.bayle1.free.fr › AGN.

Bydlowski, Monique (2001), Le regard intérieur de la femme enceinte, transparence psychique et représentation de l’objet interne, Devenir 2001/2 (Vol. 13), pages 41 à 52.

Darchis, Élisabeth (2001), Si la maternité m’était contée, Fantasmes autour du berceau, Dans Imaginaire & Inconscient, 2001/4 (no 4), pages 43 à 56.

Maëva, Rémy (2011), Médecine humaine et pathologie. Mémoire, Université Henri Poincaré, Nancy I.